La face du Moyen Âge s’est jouée avant celui ci, en plein milieu de l’Empire Romain. Si l’Europe de l’Ouest et particulièrement la France se développa de façon plutôt centralisée, elle le doit bien sûr à l’autorité de quelques
grands rois, Louis XI, Philippe le Bel, mais aussi à son passé de colonie romaine florissante sous la pax romana.
Par contraste l’Allemagne est fragmentée, et vit une histoire encore plus difficile, avec des affrontements incessants entre princes, comtes, villes libres comme Hambourg. La puissance des marchands de la ligue Hanséatique, la coopération et l’unité de ce réseau commercial qui s’étend, bien au dela de l’Allemagne, sur toute l’Europe, ne peut pas faire oublier les ravages des guerres, l’autorité parfois vacillante, souvent contestée de l’Empereur.
Pourtant, à la mort de Charlemagne, l’Empire d’Occident se partage en trois, et on aurait pu imaginer que les trois royaumes évolueraient de la même façon. Mais non, et tout cela s’est joué bien avant Charlemagne, dans une
période qui va de -70 à 20 environ.
Quand Vercingétorix perd sa dernière bataille face à César, à Alésia, il ouvre la voie définitivement à la colonisation romaine en Gaule. Une colonisation qui cherche à intégrer et à romaniser les populations locales,
qui, en plus de ses structures politiques, apporte ses routes, ses aqueducs, une première infrastructure de communications, essentielle pour le commerce et l’échange culturel.
Quand Hermann le Chérusque massacre les légions de Varus, dans la forêt de Teutoburg, malgré quelques années de lutte avec Rome, il vient de donner un coup d’arrêt définitif à l’expansion de l’Empire Romain à l’est. Une fois les
deux aigles volées aux légions décimées récupérées, Rome met fin à ses tentatives de conquêtes et de pacification des pays barbares orientaux, et se retire derrière le Rhin et la fortification du limes.
Limes dont on trouve encore la trace permanente en Allemagne. D’abord en tant que vestige historique, et son tracé est marqué dans de nombreux murs, par des pierres gravées qui indiquent qu’ici s’arrêtait l’empire romain. Et puis surtout par une différence dans le développement culturel, et historique. Au delà du limes, la période entre Hermann et le Moyen Age (environ l’an 800) reste le plus souvent une préhistoire, une antiquité non écrite.
Des villes importantes n’apparaissent qu’en 800, 1.000, ou même plus tard. L’an Mille n’est pas celui d’une crainte de fin du monde, mais celui du début des cités, de la création tardive, à travers les réseaux d’abbayes
et le pouvoir des grands évêchés, de ces réseaux de communication commerciale et intellectuelle qui existait largement avant en Europe de l’Ouest.
Hermann a-t-il rendu service à son peuple ?
A très court terme, sans aucun doute, en lui permettant de continuer à vivre libre. A très long terme, sa victoire n’a plus d’impact, et d’autres ont marqué beaucoup plus l’histoire de la Mittel Europa. A court terme, au Haut Moyen Age, il faisait sans doute meilleur vivre à l’intérieur de l’ancien limes que dans les forêts épaisses qui entourent la Teutobourg.